mardi 17 décembre 2013

Endive et Champignon de Paris, Cap au Nord pour en savoir un peu plus... (1/2)

Direction la région du Nord-Pas de Calais à la découverte de deux pépites du plat pays : l’endive et le champignon de couche, le fameux Champignon de Paris. Tout comme l’endive, il se taille la vedette car si on l’utilise massivement dans nos cuisines où il a su se rendre indispensable, on ne le trouve pas à l’état naturel ou bien peu. Comme l’endive, le champignon de Paris a besoin d’un sérieux coup de pouce des hommes pour avoir une chance de finir au milieu de notre assiette.  Travaillez, prenez de la peine, c’est le fonds  qui manque le moins et si selon La Fontaine,  le travail est un trésor, en particulier celui de la terre, il faut en plus de la science et de la patience  avant de voir germer une endive dont la blancheur vient de l’obscurité tandis que jaillissent d’un sombre compost des centaines de champignons immaculés. Cap au Nord, en avant toutes… !

Premier volet qui nous conduit, à Comines, sur la frontière belge où nous attend Didier Motte, champignonniste, patron de la Ferme de la Gontière....

©Gérard Conreur
Lit où les champignons s'éveillent...



Le champignon de couche ou champignon de Paris aurait vu le jour, non à Paris mais à quelques kilomètres de là : dans les potagers de Louis XIV à Versailles  où les jardiniers du roi eurent l’idée de le faire pousser sur des sacs de fumier en plein air. Là encore, ce n’est pas tout à fait vrai car il semble bien qu’il était déjà connu et apprécié des Egyptiens et des Romains. Faisons simple, on a toujours connu ce petit végétal rondouillard et bedonnant à la fine saveur de sous-bois. Si la truffe noire, grise ou blanche, c’est quelque fois et plus souvent bien rarement, le champignon de Paris, lui, ne fait pas de chichis et s’invite à tous nos repas. C’est « le » champignon le plus consommé au monde.

©Gérard Conreur
Le compost ensemencé
Si l’endive est le fruit du hasard, force est de constater que le champignon de Paris est un drôle de paroissien ! Jugez plutôt, c’est un végétal dépourvu de racine, de tige, de feuille et de fleurs. De plus la photosynthèse qui lui permettrait d’assimiler toute l’énergie du soleil ne lui dit rien qui vaille. Pour préserver son teint d’albâtre, rien de tel qu’un petit bain de …pénombre.  Alors végétal ? Non pas vraiment… Animal ? Puisqu’il utilise les matières organiques ? Non plus. Ni végétal, ni animal, mais alors qu’est-ce donc ? Le champignon appartient au groupe des Fungi qui ne sont pas de plantes et jadis on classait les algues dans ce même règne des non-identifiés et autres inconnus au bataillon, en quelque sorte. Dans ce groupe des Fungi (même racine latine que fongique, fongicide, etc.), trois sous-groupes : les parasites qui se développent au détriment des êtres vivants, c’est le cas de certaines moisissures. Les symbiotiques qui, eux, cohabitent et s’associent à une plante vivante, c’est le cas de la truffe. Enfin le troisième sous-groupe, celui des saprophytes (et tant mieux que ça profite à quelqu’un) dans lequel figure le champignon de Paris. Il trouve tous les éléments nutritifs dont il a besoin sur un support végétal en décomposition, le compost, son principal lieu de vie. Enfin, avant de refermer ce livre des Merveilles de la nature de l’Oncle Paul, nous connaissons environ 100 à 150 000 espèces de champignons dans le monde mais il en existerait plusieurs millions… En France, on en dénombre 4000 espèces mais seule une trentaine de ces champignons sont cultivés avec sur la première place du podium, l’Agaricus, autrement dit le Champignon de Paris.

©Gérard Conreur
Salle de Culture avec lits superposés


Evidemment le champignon de Paris ne prospère pas à l’orée du bois après une tiède averse d’été. Pour le produire en quantité et en qualité, les étapes sont assez techniques et pas toujours simples à suivre.  Première étape : le compostage, ce travail va durer trois semaines. Il s’agit de former un substrat  parfaitement homogène par fermentation d’un mélange de paille de blé et de fumier de cheval brassé énergiquement et copieusement arrosé. Suit une pasteurisation, cycle d’une semaine, visant à détruire tous les micro-organismes qui pourraient causer des maladies parasitaires des carpophores (parties visibles des champignons). Pour cela, le compost est porté à 60° pendant quelques heures puis progressivement abaissé à 48° C durant 6 jours. 

Viendra ensuite l’ensemencement.  Des spores sont prélevées sur des lamelles de champignons. Après germination, de très fins filaments sont obtenus, il s’agit du mycélium. Lequel sera bouturé et élevé sur des grains de céréales stérilisés, ici du blé, qui serviront à la fois de nourriture et de support au mycélium.  Les trois étapes suivantes voient le mycélium brassé avec le compost à raison de 1% en vue d’obtenir une parfaite homogénéité. Ce nouveau substrat est alors transféré dans les tunnels pour une incubation qui va durer deux semaines à la température de 25° C et dans une atmosphère très humide. Enfin le gobetage consistera  à recouvrir le compost d’une fine couche de tourbe noire et de calcaire qui préservera l’humidité sur le substrat afin de favoriser l’étape suivante dite de fructification. Et nous voila reparti pour 3 semaines dans les salles de culture où la température est maintenue à 16,5° C et l’humidité à 90%. Ces salles de culture sont aérées plusieurs fois par heure dans des conditions d’hygiène très contrôlées. 

Une semaine plus tard, le mycélium a recouvert la terre de gobetage d’un réseau de filaments et une autre semaine sera encore nécessaire pour qu’il devienne un champignon de la taille d’une tête d’épingle. A ce stade, le champignon double de volume chaque jour. Viendra ensuite la récolte qui va s’étaler de 2 à 6 semaines. Les champignons fructifient de manière cyclique, à raison d’une pousse par semaine. C’est le phénomène des « volées »,  alternance de récoltes allant en s’amenuisant. La récolte s’arrête en général à 2 ou 3 volées et se fait tous les jours à la main. Elle demande un solide savoir faire. Le champignon ne doit pas être « cueilli » trop tôt, il ne serait pas assez « mûr » et cueilli trop tard, il verrait sa qualité se dégrader. Enfin, le pied ne doit pas être coupé trop court. Travail précis qui nécessite un personnel féminin nombreux. Le champignon a fini son parcours, il est pesé, conditionné en barquettes et immédiatement transporté sur les lieux de vente pour lui garantir une fraicheur optimale. Mais alors que les camions quittent déjà la champignonnière, une dernière phase importante se déroule : la désinfection. Après la récolte, le compost en fin de cycle est retiré et les salles désinfectées pour accueillir une nouvelle mise en culture avec un compost tout neuf !  
©Gérard Conreur
Didier Motte, Ferme de la Gontière
La Ferme de la Gontière à Comines sur la frontière belge est dirigée par Didier Motte. Cette exploitation particulièrement performante établie sur 31 000 m2 est le 2ème producteur  français de champignons. 240 personnes y travaillent à plein temps. Chaque semaine, 140 tonnes soit 280 000 barquettes environ quittent la champignonnière pour être livrées sans délai.
Fiche pratique du Champignon de Paris : cru : Valeur nutritive pour 100 g : 91 % d’eau, protéines : 3,1  g, matières grasses : 0.3 g, glucides : 3.3 g, 22 calories. Excellente source de potassium, bonne source de riboflavine ou vitamine B2  (Elle joue un rôle important dans la transformation des aliments simples (glucides, lipides et protéines) en énergie. Elle intervient dans le métabolisme de réparation des muscles). On trouve également de la vitamine C et B6, du calcium (3 mg) et du magnésium (9 mg) Le principal bassin  de production du champignon est le Nord-Pas de Calais (28%), la Picardie (26%) la Basse-Normandie (13%), l’Ile de France (6%), les Pays de Loire (5%) et aussi la région Centre (5%).  En France, la consommation annuelle de champignon par ménage est d’environ 2,5 kilos. Conseils d’utilisation : préférer les champignons frais bien que les champignons en conserve présentent des avantages : pratiques, toujours sous la main. Choisir des Champignons fermes et charnus, présentant un aspect sain et franc, non tachés ou visqueux. Le champignon ne doit pas être épluché ou lavé. Dans le premier cas, il perdrait de la saveur, dans le second il pourrait devenir spongieux. S’il présente une trace de terre, elle sera éliminée sans difficulté, par brossage par exemple. Le champignon de Paris trouve naturellement sa place sur toutes les tables. Simple à préparer, il est au cœur de recettes innombrables.  

Gérard Conreur 


 


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