Les spécialistes le clament à l’unisson : l’excès de
sel nuit à la santé. Force est de constater que notre alimentation ne manque
pas de sel. Nous salons à l’envi nosassiettes sans même en goûter le contenu. Tel un grelot, nous agitons
follement la salière… Et que dire de l’alimentation
industrielle ? Additifs, conservateurs, colorants, sans oublier la pincée
massive de perlimpinpin qui donnera un semblant de goût même si le sel n’a
jamais été cet exhausteur présumé. Au final une note elle-même trop salée à de
nombreux points de vue. Pourtant effaçons vite ce tableau noir et redonnons à
l’or blanc, ses qualités : le sel en quantité raisonnable est
indispensable à la vie, il est l’essence de notre civilisation, il marque nos
expressions, nos coutumes, nos religions et fait partie de nous-mêmes. Si nous
sommes encore là, c’est un peu, voire beaucoup, grâce à lui.
Le sel : seulement
dans l’eau de mer ?
Dans la galerie souterraine de Salins
Le sel sur notre planète n’a qu’une origine : la mer, les océans. Curieux parallèle, la vie
elle-même n’a-t-elle pas émergé mais bien plus tard des profondeurs de la soupe
originelle ? Des mines de sel de triste mémoire ou encore du sel gemme que
des générations d’écoliers ont étudié jadis
en « leçon de choses », l’origine est identique : ces mers très
anciennes qui ont disparu il y a des millions d’années. Imaginez, il y a 215 millions d’années ces Maldives tropicales
peu profondes qui sont aujourd’hui devenues nos régions de l’est de la France
et le réchauffement climatique n’a rien à voir dans cette histoire qui a vu
notre Terre soumise à un façonnage dantesque, à des forces telluriques
considérables. D’autres planètes de notre système solaire ont eu moins de
chances que la Terre, Mars par exemple. Trouvera-t-on sur la planète rouge du
sel en quantité, résultant de l’évaporation des mers, océans et grands lacs ? Mais tout cela ne
nous éclaire pas sur l’origine du sel. Alors remontons encore plus loin dans le
temps : il y a quatre milliards d’années, bien avant les dinosaures. Il ne
fait pas bon vivre sur Terre. Notre planète est le siège d’une activité
volcanique intenseparticulièrement
violente qui va libérer dans l’atmosphère et durant des dizaines de millions
d’années des quantités considérables de gaz toxiques et de vapeur d’eau, de gaz
carbonique aussi. Parmi ces gaz toxiques, du soufre et du chlore. Pas de quoi
franchement faire pousser des pâquerettes. Et puis la Terre va lentement se
refroidir. La vapeur d’eau captive en atmosphère va retomber en pluies massives
accélérant le refroidissement. Au passage elle se charge des gaz en suspension,
ce qui va augmenter son acidité, son pH, et provoquer le « décapage »
et l’érosion des sols et en particulier de roches riches en sodium qu’elle va
dissoudre. Résultat : du chlorure de sodium, autrement dit du sel de
table. En suspension dans l’eau de mer à raison de 30 à 40 g de sel par kg,
cristallisé dans les profondeurs géologiques comme ici en Franche Comté et
lentement dissous par les eaux souterraines, c’est toujours le même sel des
origines dont il s’agit.
Grande Saline de
Salins et Saline Royale d’Arc-et-Senans
Il y a du sel dans l’eau de mer or mers et océans couvrent
71% de notre planète. Et il y a du sel dans les failles géologiques mais aussi
tapissant en couches épaisses le fond d’anciennes mers aujourd’hui disparues. Avec
le jeu des alluvions, des recouvrements successifs et du temps, ces veines de sel se situent
désormais dans les profondeurs de la Terre. Au niveau de Salins-les-Bains où se
situe la Grande Saline, le banc de sel d’une centaine de mètres d’épaisseur se
situe à 250 mètres de profondeur. Les eaux d’infiltration qui
« lessivent » le banc de sel vont resurgir ailleurs en surface, en
autant de sources, mares et près ou champs salés.A Salins-les-Bains donc, point n’est besoin
d’aller chercher le sel, il est transporté le plus naturellement du monde par
l’eau dans lequel il s’est dissous en pourcentages plus ou moins importants même
si le labeur des hommes pour récupérer l’or blanc par évaporation était
éprouvant. Pour la saline royale d’Arc-et-Senans qui fonctionna de 1774 à 1895,
le problème était plus épineux puisqu’il fallait faire venir l’eau salée – la
saumure – de Salins par un « saumoduc » canalisation longue de 21
kilomètres. Fuites naturelles du saumoduc, brigandages et contrebandes à une
époque où le sel était particulièrement onéreux dans le royaume – peut-être un
peu moins en Franche Comté, province de production – ont largement réduit
l’attractivité industrielle de la saline royale d’Arc-et-Senans.
Fut-elle
rentable un jour ? La question peut se poser. On a dit que la Régie
Renault, dans l’immédiate après-guerre puis les années cinquante et soixante,
avait fait figure de « laboratoire social ». Sans aller jusque là, on
peut dire qu’Arc-et-Senans fut pour son concepteur, Claude-Nicolas Ledoux
(1736-1806), une sorte de manufacture de
l’utopie. Tout y était pensé, raisonné mais était-ce pour le bien des
ouvriers ou la sacralisation féroce de toutes les hiérarchies ? Par
le demi-cercle, on réduit les pas d’un lieu à un autre pour égaliser toutes les
distances mais est-ce pour épargner la peine des hommes ou accroitre la
productivité ? De la production de sel, Arc-et-Senans n’apporte plus
aujourd’hui de grands témoignages à
l’inverse de la Grande Saline de Salins-les-Bains mais il faut absolument visiter la Saline
Royale pour y admirer les stupéfiantes maquettes d’un architecte urbaniste à
l’imagination particulièrement féconde. Les œuvres de Claude-Nicolas Ledoux parfois
résolument futuristes ne peuvent laisser indifférents.
A noter que la Grande Saline de Salins-les-Bains et la
Saline Royale d’Arc-et-Senans ainsi que Besançon, La Chaux-de-Fonds et Le Locle
sont inscrits au patrimoine mondial
de l’UNESCO.
Chemin des Gabelous, gendarmes de la gabelle qui traquaient
inlassablement les contrebandiers du sel. Le chemin longe le tracé supposé du
saumoduc : www.salins-les-bains.com
A voir aussi : les thermes de Salins-les-Bains où il
est particulièrement revigorant de se baigner dans une piscine à l’eau salée et
chauffée. Curieuse impression de flottaison…Les thermes proposent aussi cures thermales et gammes de soins de remise
en forme. www.thermes-salins.com
Claude Hirsinger dans son musée
Nous reviendrons sûrement sur cette région si attachante
qu’est la Franche Comté dont il y a tant à dire et plus encore à découvrir.
Comment, en effet, ne pas mentionner les personnages célèbres de cette
région : Louis Pasteur, Gustave Courbet, Victor Hugo, Proudhon, Rouget de
Lisle ou encore la Famille Peugeot et tant d’autres encore…Pays de vins : les vins d’Arbois, les
vins jaunes sans oublier les inimitables mais trop confidentiels vins de paille,
divins nectars. En traversant Arbois, nous nous sommes arrêtés chez Hirsinger,
le célèbre chocolatier. Claude Hirsinger nous a reçus avec une grande
gentillesse et dans son musée situé au sous-sol entre dégustations et
anecdotes, il n’y avait que de la saveur et de la qualité. www.chocolat-hirsinger.com
La Franche Comté est encore le pays de l’absinthe, de la
poularde au vin jaune et aux morilles, de la saucisse de Morteau, du Comté à la
douceur si fruitée. Non loin du Mont Poupet où Pasteur fit de quelques
expériences et où dit-on par temps clair on peut voir le Mont-Blanc,à Marmoz dans le Jura, se trouve la chèvrerie
artisanale de Céline Nicole. Il serait dommage de ne pas vous y arrêter un
instant. Ici la saveur la plus délicate côtoie les pâtes les plus corsées en
bouche. Indispensable découverte : www.marnoz-chevre.com