La mâche, une petite salade bien sympathique qui se
niche au creux de nos assiettes lorsque le printemps tarde à arracher par pans
entiers les dernières grisailles de l’hiver comme un vieux papier peint passé
de mode. Vite faite, bien faite, toujours croquante et verdoyante, la mâche est
furieusement tendance à une époque où le naturel est sur toutes les lèvres, à
défaut d’être toujours à la pointe de notre fourchette. Départ immédiat vers
Nantes, patrie de Jules Verne, de Jacques Demy et de la Folle Journée qui
chaque année rassemble toujours plus de mélomanes, des petits beurres LU, du
muguet de mai et de la mâche, of course.
Fruits
et légumes frais en France : 117 000 entreprises, 653 000
salariés
Après un petit
muscadet sur le zinc lustré d’un bistro à la santé de notre Premier ministre,
il faut quitter Nantes et gagner la proche campagne, là où la pluie des flaques
fait floc floc dans les pompes et où les bas de jeans se mettent en tenue de
camouflage façon argile sablonneuse. A quelques kilomètres, s’étalent des
cultures maraîchères de toutes sortes car bien sûr on ne fait pas ici, en pays
nantais, que de la mâche loin s’en faut. Aussi avant d’aller plus loin, quelques
points de repères sur ce que représente la filière fruits et légumes frais dans
notre pays. Attention, c’est bien plus vaste qu’il n’y paraît et on peut être
heureux de constater combien notre pays a encore cette forte identité paysanne
avec ses deux pieds bien plantés comme une
botte de poireaux et le pif pointé dans la direction du vent qui vous
décoiffe. Les fruits et légumes frais en France, c’est d’abord 117 000 entreprises
employant 653 000 salariés dont 455 000 saisonniers. C’est déjà une
première raison pour laquelle nos chères têtes blondes mais surtout leurs
parents devraient se pencher sur l’utilité de faire le meilleur usage de ce que
la nature nous réserve car pour remplir nos assiettes de santé et de saveur, il
y a tout de même pas mal de gens qui se lèvent tous les matins de très bonne
heure.
Et puis, un champ de belles
pommes de terre, de radis croquants, de généreux choux fleurs à perte de vue,
ces planches de mâches verdoyantes alignées l’une contre l’autre, c’est quand
même autre chose qu’un paradis fiscal. Finalement, les tropiques, c’est comme
les établissements bancaires, ça reste toujours un peu déprimant. Rien de tout
ça en pays nantais, la pluie vous fait repousser les cheveux et la terre
est basse.
Au niveau de la consommation (hors pommes de terre), et
selon les chiffres de 2011, 13,08 milliards d’euros de chiffres d’affaires pour
une production de quelques 10 300 000 tonnes de fruits et légumes,
soit environ le poids d’un peu plus d’un millier de Tour Eiffel… ou si vous le
préférez le poids total de 25750 rames de TGV bien pesées. Quelques chiffres
encore : 42 000 exploitations fruitières, 38 200 exploitations
légumières, 200 coopératives, 1250 grossistes, 14 600 primeurs et plus de
300 entreprises d’expédition et d’exportation. Voila pour les chiffres qui
montrent s’il en était encore besoin toute l’importance de ce secteur
économique majeur pour la France. Alors, même si notre pays n’est pas le
premier pays producteur de fruits et légumes en Europe, la part qu’il réserve à
l’exportation est plus que significative et impose des règles toujours plus
précises, qualité du produit mais aussi traçabilité sur un marché sans cesse
plus tendu et exigeant.
La
mâche en pays nantais, quelques mots sur son histoire
Pendant très longtemps, la mâche est restée sauvage.
Les paysans la cueillaient en bordure des champs de blé et d’orge, c’était la
petite salade des champs et des près comme la désignait Ronsart. Passons du
XVI° siècle au Second Empire lorsqu’un restaurateur parisien crée non pas la
tranche napolitaine mais la salade Victor-Emmanuel composée de mâche, de céleri
rave et de betterave rouge, voici donc les trois couleurs du drapeau italien
tandis que l’orchestre attaque magistralement La forza del destino. Que c’est
beau… Dans l’assiette aussi, ça fait son
petit effet moins symphonique certes. Plus vert que Verdien. On ne parle pas
encore de Fraich’Attitude mais cela ne saurait tarder…
La région nantaise est aujourd’hui le premier producteur européen de mâche devant l’Allemagne et l’Italie. A elle seule, la région produit 85% de la mâche française et exporte plus de 45% de sa production notamment vers le Royaume-Uni, l’Espagne, le Benelux, l’Allemagne, l’Italie et d’autres destination plus lointaines comme les pays du nord de l’Europe ou encore la Russie, etc. Curieusement ce n’est pas la région de production qui consomme le plus de mâche, nul n’est prophète en son pays, elle est davantage appréciée en Ile de France, dans le Nord-Pas de Calais ou encore le Lyonnais.
La mâche est un produit ancien mais qui est longtemps resté
en retrait comme si elle ne se sentait pas en mesure d’occuper le haut du
panier. A cette époque où la France ne possédait qu’une chaine de télévision,
en noir et blanc et où les seules émissions de téléréalité se déroulaient en
Indochine, il fallait acheter la mâche en vrac au marché et la préparer
soigneusement et longuement, la rincer pour éliminer le sable et la débarrasser
des feuilles jaunes, abimées. C’était du boulot d’autant plus que le
réfrigérateur était à peu près aussi courant que le 220 volts chez nos
papi-mamie alors il y avait bien la cave ou le garde-manger et son élégant
grillage anti-moustiques mais au terme de trois jours d’oubli, la mâche fraîche
avait cesse de l’être et ne ressemblait plus qu’à une vague infusion de
verveine menthe desséchée au fond d’une tasse. On pouvait toujours essayer de
se la fumer roulée en pétard mais sans obtenir l’effet souhaité.
Mais ça, comme dirait l’autre, c’était avant...
Aujourd’hui la mâche est un produit extra frais. Livrée en barquette, elle est
prête à l’emploi. Un seul rinçage sous l’eau claire et elle tombe amoureusement
dans votre assiette prête à vous faire le grand jeu. Les recettes ne manquent
pas et elles aussi sont très actuelles : Carpaccio de St-Jacques et son lit de mâche nantaise. Dix minutes,
le jus d’un citron, échalote, ciboulette et un filet d’huile d’olive ou encore Mousseline de mâche au sabayon léger et
copeaux de parmesan… Vous m’en direz tant, Bertrand.
La
mâche : du grain de sable à la barquette
Si jadis la ménagère devait rincer la mâche longuement
pour la débarrasser notamment du sable, des cotylédons et des fragments de
racines, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Pourtant dans les grandes lignes, peu
de choses semblent avoir changé dans les modes de culture de la mâche. Elle pousse
toujours sur un lit de sable rigoureusement rectiligne que l’on appelle : la planche. Largeur d’environ 1,20 m
sur une longueur variable de plusieurs dizaines de mètres.
La culture se pratique selon deux modes : en mini-tunnels d’un peu moins de la largeur de la planche sur environ 20 à 30 cm de hauteur. Le tunnel est constitué d’un film plastique qui sera recyclé après usage. Dans le passé, le sable utilisé était un sable de Loire. Aujourd’hui, il s’agit toujours d’un sable à grain moyen – un peu comme de la semoule –. Plusieurs avantages à ce mode de culture, un plan aéré, une température protégée pour le plan et enfin un façonnage qui va faciliter la coupe ultérieure. La récolte est opérée par un premier tracteur qui découvre les plants et rembobine le plastique des tunnels. Un second tracteur opère une coupe précise et collecte la mâche dans un palox d’environ un mètre cube. A l’arrière du tracteur, face au palox, un ouvrier supervise le bon déroulement de la récolte et élimine les corps étrangers qui pourraient être ramassés, brindilles, feuilles mortes, etc. En général, le traitement de la mâche jusqu’à son conditionnement final se déroulera le jour même.
Un autre mode de culture tend à prendre plus d’importance : la culture en multichapelles qui offre un plus grand confort de travail pour le personnel et l’assurance d’un meilleur rendement. Ici les installations sont durables, moins sensibles aux intempéries, pourvues d’un système d’arrosage intégré. En été, on peut également atténuer l’éclairement de ces serres. Là encore, on utilise le film plastique évidemment plus résistant et dont la durée de vie sera d’environ 5 ans. Bien sûr l’investissement est beaucoup plus lourd.
La culture se pratique selon deux modes : en mini-tunnels d’un peu moins de la largeur de la planche sur environ 20 à 30 cm de hauteur. Le tunnel est constitué d’un film plastique qui sera recyclé après usage. Dans le passé, le sable utilisé était un sable de Loire. Aujourd’hui, il s’agit toujours d’un sable à grain moyen – un peu comme de la semoule –. Plusieurs avantages à ce mode de culture, un plan aéré, une température protégée pour le plan et enfin un façonnage qui va faciliter la coupe ultérieure. La récolte est opérée par un premier tracteur qui découvre les plants et rembobine le plastique des tunnels. Un second tracteur opère une coupe précise et collecte la mâche dans un palox d’environ un mètre cube. A l’arrière du tracteur, face au palox, un ouvrier supervise le bon déroulement de la récolte et élimine les corps étrangers qui pourraient être ramassés, brindilles, feuilles mortes, etc. En général, le traitement de la mâche jusqu’à son conditionnement final se déroulera le jour même.
Un autre mode de culture tend à prendre plus d’importance : la culture en multichapelles qui offre un plus grand confort de travail pour le personnel et l’assurance d’un meilleur rendement. Ici les installations sont durables, moins sensibles aux intempéries, pourvues d’un système d’arrosage intégré. En été, on peut également atténuer l’éclairement de ces serres. Là encore, on utilise le film plastique évidemment plus résistant et dont la durée de vie sera d’environ 5 ans. Bien sûr l’investissement est beaucoup plus lourd.
Direction ensuite, l’unité de conditionnement. Qu’il
s’agisse des importantes installations du Groupe
Marais implantées à Les Sorinières,
expéditeur depuis 1907 et qui possède sa propre flotte de transport ou de la Société Robert d’une taille plus
modeste située à Saint-Julien de
Concelles toujours en Loire Atlantique, les traitements varient peu.
La mâche est un produit naturel fragile et délicat dont il faut assurer au consommateur l’extrême fraicheur. Elle se range dans les aliments de la Première et Quatrième gamme. La 1ère Gamme correspond aux produits frais pour lesquels aucun traitement de conservation particulier n’est utilisé (fruits et légumes entiers frais, viandes et poissons non transformés...) et la 4e gamme concerne les fruits et légumes frais prêts à l’emploi (lavés, épluchés, égouttés, coupés et conservés dans une atmosphère sans air) ; la conservation est assurée entre 0 et 4°C. Pour obtenir une qualité optimale, la traçabilité est incontournable, des contrôles sont effectués, les lots sont identifiés. Les palox sont vidés dans une première unité de « bouillonnement » à eau froide, bien sûr, la mâche se trouve alors débarrassée du sable résiduel par gravité.
Tout au long de l’unité de traitement, elle sera rincée, examinée sur plusieurs tapis, tout corps étranger sera éliminé mécaniquement ou manuellement. Enfin égouttée sur des tapis vibrants, la mâche est dirigée vers les unités automatisées de conditionnement. La mâche est pesée et tombe précisément dans les barquettes qui sont filmées et portent toutes les indications permettant une traçabilité complète. C’est une véritable carte d’identité du produit. Dans ces grandes unités de production, charlotte obligatoire, tenue en plastique, lavage des mains, rinçage des chaussures dans des bacs humides, visites des chambres froides dont certaines sont dotées de puissants brumisateurs. Au bout de trois minutes, on en ressort plus frais que nature mais trempé. Quant aux palox vidés de leur contenu, ils passent à la douche sous pression avant toute nouvelle utilisation.
La mâche est un produit naturel fragile et délicat dont il faut assurer au consommateur l’extrême fraicheur. Elle se range dans les aliments de la Première et Quatrième gamme. La 1ère Gamme correspond aux produits frais pour lesquels aucun traitement de conservation particulier n’est utilisé (fruits et légumes entiers frais, viandes et poissons non transformés...) et la 4e gamme concerne les fruits et légumes frais prêts à l’emploi (lavés, épluchés, égouttés, coupés et conservés dans une atmosphère sans air) ; la conservation est assurée entre 0 et 4°C. Pour obtenir une qualité optimale, la traçabilité est incontournable, des contrôles sont effectués, les lots sont identifiés. Les palox sont vidés dans une première unité de « bouillonnement » à eau froide, bien sûr, la mâche se trouve alors débarrassée du sable résiduel par gravité.
Tout au long de l’unité de traitement, elle sera rincée, examinée sur plusieurs tapis, tout corps étranger sera éliminé mécaniquement ou manuellement. Enfin égouttée sur des tapis vibrants, la mâche est dirigée vers les unités automatisées de conditionnement. La mâche est pesée et tombe précisément dans les barquettes qui sont filmées et portent toutes les indications permettant une traçabilité complète. C’est une véritable carte d’identité du produit. Dans ces grandes unités de production, charlotte obligatoire, tenue en plastique, lavage des mains, rinçage des chaussures dans des bacs humides, visites des chambres froides dont certaines sont dotées de puissants brumisateurs. Au bout de trois minutes, on en ressort plus frais que nature mais trempé. Quant aux palox vidés de leur contenu, ils passent à la douche sous pression avant toute nouvelle utilisation.
Voici très rapidement résumé le parcours de la mâche
qui dans le pays de Nantes et de ses environs n’attend plus que votre bon
plaisir. Son autre nom est la « doucette ». Outre son goût unique, la
mâche contient trois fois plus de vitamine C que la laitue, sans oublier les
oligo-éléments et les sels minéraux avec le fer (2 fois plus quand dans la
carotte), le sodium et le potassium. Enfin, cinq fois plus de bêta-carotène que
dans les abricots. Il est facile de choisir de la mâche, les bouquets doivent
être bien constitués et non fripés, les feuilles doivent être douces, d’un beau
vert mat à l’aspect velouté. Dans sa barquette ou son sachet d’origine, la
mâche se conserve trois à quatre jours dans le bas du réfrigérateur. Ce conseil
de bon sens est valable pour de nombreuses denrées fraiches qu’il ne faut pas stocker
au-delà du raisonnable dans un réfrigérateur. Un produit frais doit toujours
être consommé rapidement. Et ce n’est pas parce qu’il est froid qu’il reste
frais. Notez encore que le froid dénature les qualités gustatives de la plupart
des denrées que nous consommons.
Gérard
Conreur