Direction la région du Nord-Pas de Calais à la découverte de
deux pépites du plat pays : l’endive et le champignon de couche, le fameux
Champignon de Paris. Tout comme
l’endive, il se taille la vedette car si on l’utilise massivement dans nos
cuisines où il a su se rendre indispensable, on ne le trouve pas à l’état
naturel ou bien peu. Comme l’endive, le champignon de Paris a besoin d’un
sérieux coup de pouce des hommes pour avoir une chance de finir au milieu de
notre assiette. Travaillez, prenez de la peine,
c’est le fonds qui manque le moins
et si selon La Fontaine, le
travail est un trésor, en particulier celui de la terre, il faut en
plus de la science et de la patience
avant de voir germer une endive dont la blancheur vient de l’obscurité
tandis que jaillissent d’un sombre compost des centaines de champignons
immaculés. Cap au Nord, en avant toutes… !
Premier volet qui nous conduit, à Comines, sur la frontière belge où nous attend Didier Motte, champignonniste, patron de la Ferme de la Gontière....
La Ferme de la
Gontière à Comines sur la frontière belge est dirigée par Didier Motte.
Cette exploitation particulièrement performante établie sur 31 000 m2 est
le 2ème producteur français
de champignons. 240 personnes y travaillent à plein temps. Chaque semaine, 140
tonnes soit 280 000 barquettes environ quittent la champignonnière pour
être livrées sans délai.
Premier volet qui nous conduit, à Comines, sur la frontière belge où nous attend Didier Motte, champignonniste, patron de la Ferme de la Gontière....
Lit où les champignons s'éveillent... |
Le champignon de couche ou champignon de Paris aurait vu le jour, non à Paris mais à quelques
kilomètres de là : dans les potagers de Louis XIV à Versailles où
les jardiniers du roi eurent l’idée de le faire pousser sur des sacs de fumier
en plein air. Là encore, ce n’est pas tout à fait vrai car il semble bien qu’il
était déjà connu et apprécié des Egyptiens et des Romains. Faisons simple, on a
toujours connu ce petit végétal rondouillard et bedonnant à la fine saveur de
sous-bois. Si la truffe noire, grise ou blanche, c’est quelque fois et plus
souvent bien rarement, le champignon de Paris, lui, ne fait pas de chichis et
s’invite à tous nos repas. C’est « le » champignon le plus consommé
au monde.
Le compost ensemencé |
Si l’endive est le fruit du hasard, force est de constater
que le champignon de Paris est un drôle de paroissien ! Jugez plutôt,
c’est un végétal dépourvu de racine, de tige, de feuille et de fleurs. De plus
la photosynthèse qui lui permettrait d’assimiler toute l’énergie du soleil ne
lui dit rien qui vaille. Pour préserver son teint d’albâtre, rien de tel qu’un
petit bain de …pénombre. Alors
végétal ? Non pas vraiment… Animal ? Puisqu’il utilise les matières
organiques ? Non plus. Ni végétal, ni animal, mais alors qu’est-ce
donc ? Le champignon appartient au groupe des Fungi qui ne sont pas de plantes et jadis on classait les algues
dans ce même règne des non-identifiés et autres inconnus au bataillon, en
quelque sorte. Dans ce groupe des Fungi (même racine latine que fongique,
fongicide, etc.), trois sous-groupes : les parasites qui se développent au détriment des êtres vivants, c’est
le cas de certaines moisissures. Les symbiotiques
qui, eux, cohabitent et s’associent à une plante vivante, c’est le cas de la
truffe. Enfin le troisième sous-groupe, celui des saprophytes (et tant mieux que ça profite à quelqu’un) dans lequel
figure le champignon de Paris. Il trouve tous les éléments nutritifs dont il a
besoin sur un support végétal en décomposition, le compost, son principal lieu
de vie. Enfin, avant de refermer ce livre des Merveilles de la nature de
l’Oncle Paul, nous connaissons environ 100 à 150 000 espèces de champignons
dans le monde mais il en existerait plusieurs millions… En France, on en
dénombre 4000 espèces mais seule une trentaine de ces champignons sont cultivés
avec sur la première place du podium, l’Agaricus,
autrement dit le Champignon de Paris.
Salle de Culture avec lits superposés |
Evidemment le champignon de Paris ne prospère pas à l’orée
du bois après une tiède averse d’été. Pour le produire en quantité et en
qualité, les étapes sont assez techniques et pas toujours simples à
suivre. Première étape : le compostage, ce travail va durer trois
semaines. Il s’agit de former un substrat
parfaitement homogène par fermentation d’un mélange de paille de blé et
de fumier de cheval brassé énergiquement et copieusement arrosé. Suit une pasteurisation, cycle d’une semaine,
visant à détruire tous les micro-organismes qui pourraient causer des maladies
parasitaires des carpophores (parties visibles des champignons). Pour cela, le
compost est porté à 60° pendant quelques heures puis progressivement abaissé à
48° C durant 6 jours.
Viendra ensuite l’ensemencement. Des spores sont prélevées sur des lamelles de
champignons. Après germination, de très fins filaments sont obtenus, il s’agit
du mycélium. Lequel sera bouturé et
élevé sur des grains de céréales stérilisés, ici du blé, qui serviront à la
fois de nourriture et de support au mycélium.
Les trois étapes suivantes voient le mycélium brassé avec le compost à
raison de 1% en vue d’obtenir une parfaite homogénéité. Ce nouveau substrat est
alors transféré dans les tunnels pour une incubation qui va durer deux semaines
à la température de 25° C et dans une atmosphère très humide. Enfin le gobetage consistera à recouvrir le compost d’une fine couche de
tourbe noire et de calcaire qui préservera l’humidité sur le substrat afin de
favoriser l’étape suivante dite de fructification.
Et nous voila reparti pour 3 semaines dans les salles de culture où la
température est maintenue à 16,5° C et l’humidité à 90%. Ces salles de culture
sont aérées plusieurs fois par heure dans des conditions d’hygiène très
contrôlées.
Une semaine plus tard, le mycélium a recouvert la terre de
gobetage d’un réseau de filaments et une autre semaine sera encore nécessaire
pour qu’il devienne un champignon de la taille d’une tête d’épingle. A ce
stade, le champignon double de volume chaque jour. Viendra ensuite la récolte
qui va s’étaler de 2 à 6 semaines. Les champignons fructifient de manière
cyclique, à raison d’une pousse par semaine. C’est le phénomène des « volées », alternance de récoltes allant en
s’amenuisant. La récolte s’arrête en général à 2 ou 3 volées et se fait tous les jours à la main. Elle demande
un solide savoir faire. Le champignon ne doit pas être « cueilli »
trop tôt, il ne serait pas assez « mûr » et cueilli trop tard, il
verrait sa qualité se dégrader. Enfin, le pied ne doit pas être coupé trop
court. Travail précis qui nécessite un personnel féminin nombreux. Le
champignon a fini son parcours, il est pesé, conditionné en barquettes et
immédiatement transporté sur les lieux de vente pour lui garantir une fraicheur
optimale. Mais alors que les camions quittent déjà la champignonnière, une
dernière phase importante se déroule : la désinfection. Après la récolte, le compost en fin de cycle est
retiré et les salles désinfectées pour accueillir une nouvelle mise en culture
avec un compost tout neuf !
Didier Motte, Ferme de la Gontière |
Fiche pratique du
Champignon de Paris : cru : Valeur nutritive pour 100 g : 91
% d’eau, protéines : 3,1 g,
matières grasses : 0.3 g, glucides : 3.3 g, 22 calories. Excellente
source de potassium, bonne source de riboflavine ou vitamine B2 (Elle joue un rôle important dans la
transformation des aliments simples (glucides, lipides et protéines) en énergie.
Elle intervient dans le métabolisme de réparation des muscles). On trouve
également de la vitamine C et B6, du calcium (3 mg) et du magnésium (9 mg) Le
principal bassin de production du
champignon est le Nord-Pas de Calais (28%), la Picardie (26%) la
Basse-Normandie (13%), l’Ile de France (6%), les Pays de Loire (5%) et aussi la
région Centre (5%). En France, la
consommation annuelle de champignon par ménage est d’environ 2,5 kilos.
Conseils d’utilisation : préférer les
champignons frais bien que les champignons en conserve présentent des
avantages : pratiques, toujours sous la main. Choisir des Champignons
fermes et charnus, présentant un aspect sain et franc, non tachés ou visqueux.
Le champignon ne doit pas être épluché ou lavé. Dans le premier cas, il
perdrait de la saveur, dans le second il pourrait devenir spongieux. S’il
présente une trace de terre, elle sera éliminée sans difficulté, par brossage
par exemple. Le champignon de Paris trouve naturellement sa place sur toutes
les tables. Simple à préparer, il est au cœur de recettes innombrables.
Gérard Conreur