Barneville-Carteret © Gérard Conreur |
De la Normandie, on connaît les produits laitiers : le lait, la crème, l’incontournable camembert et tant d’autres fromages. Les vaches donc, mais aussi les chevaux qui barbotent à Deauville et gagnent à Longchamp. Les pommiers, le cidre et le Calvados. Cette bruine fine qui donne une fraîcheur acidulée au bocage normand. Pour l’histoire, la Normandie, c’est aussi les plages du Débarquement, le 6 juin 1944 et l’opération Overlord. « Les sanglots longs des violons de l’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone ». Comment oublier Utah, Omaha, Gold, Juno, Sword ? Sainte-Mère-Eglise, la Pointe du Hoc, Bayeux, Dieppe…. J’y ajoute Saint-Lô et Caen mais aussi Jehanne la bonne Lorraine qu’Englois brûlèrent à Rouen. Bref, il y aurait encore tant et tant à dire sur la Normandie, une région parmi les plus remarquables, les plus attachantes de notre pays mais aussi une région parfois méconnue qu’il reste à découvrir ou redécouvrir.
Sur les bancs de la communale, on se souvient encore que
là-haut dans le Nord qui est, en fait, le Pas-de-Calais,
sur la Côte d’Opale, Boulogne-sur-Mer
est le premier port de pêche de France. Plus bas, dans l’Ouest, on évoque le
pêcheur breton. A terre, entre dolmen et bruyères, entre ardoise et granit, on
joue du biniou, on danse en Fest-Noz, on fredonne « Tri martolod yaouank... la la la... Tri martolod yaouank i vonet
da veajiñ » avec Nolwenn Leroy. On y fait des crêpes et des galettes
gourmandes tout comme on déguste sans en perdre une miette un Welsh fondant et brûlant
au Bar Hamiot à Boulogne sur le port, face à la criée. Ce qui accompagne le
mieux le Wesh, c’est une Jeanlain traditionnelle bien fraîche mais on peut
aussi opter pour une blonde éclatante. Et puis, sans doute avec les courants
marins, on pourrait remonter comme ça jusqu’à Ostende avec Léo Ferré ou
Amsterdam de Brel mais toute cette poésie qui tourne autour des ports, des
marins et de l’écume de mer nous éloigne d’une curieuse démonstration. A croire en effet qu’a priori, entre la
Bretagne et le détroit du Pas-de-Calais voire la Baie de Somme, il n’y aurait
rien. Exceptées quelques camemberts coulant des jours heureux sous des pommiers
en fleurs, quelques vaches à quatre pattes cherchant des trèfles à quatre
feuilles, les plages du Débarquement déjà
mentionnées ou le Grand hôtel de Cabourg, pour tous ceux qui partent à la
recherche du temps perdu et d’un certain Marcel Proust qui ne chauffait pas
mais adorait tremper ses madeleines.
C’est un peu le sentiment général qu’éprouvent les normands
et que ne dit-on pas de la merveille des merveilles, le Mont-Saint-Michel que
l’on place en Bretagne ou que l’on récupère en Normandie et vice versa. Alors
comme la Normandie n’est pas une contrée lointaine, ni même un DOM-TOM, le
mieux était de se faire une idée sur place et de constater sans hésiter qu’entre
Saint-Malo et Saint-Valery sur Somme, qu’entre les départements 35 et le 80, il
y a la Manche, le Calvados, l’Orne, la Seine Maritime et l’Eure.
Sur la Côte Ouest, Parcs de Blainville - © Gérard Conreur |
Aujourd’hui, c’est la Manche qui aura notre préférence pour cette
Normandie, côté mer et grand large. Le
saviez-vous, la Normandie est le premier producteur de France de coquillages et
parmi ces trésors de la mer, il y a une perle : l’huitre de Normandie,
bien sûr car pour faire bonne figure dans ces quelques chiffres, 27 000
tonnes produites en 2009, la Normandie est aussi la première région ostréicole
de France, il est bon de le dire et mieux encore de s’en souvenir.
Quatre grands crus
majeurs
En matière d’huitres, on trouve en Normandie quatre grands
crus d’exception. En demi -cercle autour de la Manche et du Calvados, de
l’ouest à l’est, en premier lieu le domaine des huîtres de la Côte Ouest, puis de Saint-Vaast-La-Hougue, ensuite d’Isigny-sur-mer et enfin le domaine de la Côte
de Nacre mais il en est des huîtres comme de tous les autres produits de
grande qualité. Prenons les grands vins par exemple, ceux de Bordeaux ou de
Bourgogne, les vins de Champagne ou d’Alsace et tous les autres, les noms les
plus prestigieux, les domaines les plus rares sont composés de parcelles, souvent
de modestes superficies, tel un puzzle complexe dont chaque pièce, par la
composition de sa terre, son acidité, sa pente, son ensoleillement, apporte sa
touche la plus personnelle en s’insérant parfaitement dans un ensemble précis et
cohérent.
Les travailleurs de la mer - © Gérard Conreur |
Le travail est donc rude et peut être réduit à néant car la
nature est ici la seule ou presque à pouvoir dire son dernier mot. Et les
ostréiculteurs les plus âgés se souviennent des années difficiles.
Sur la façade océanique de la Manche, battue par de
puissants courants de marée et les embruns du large, de Portbail à Granville,
un grand cru d’exception, il s’agit de
l’huitre de la Côte Ouest à
la saveur parfumée et corsée. C’est l’huitre de Pleine-mer. N’oublions que les
marées de Normandie sont les plus fortes d’Europe en amplitude.(Jusqu’à 14
mètres d’amplitude et 6 kilomètres d’estran).
Louis Teyssier - © Gérard Conreur |
Remontons à présent vers Saint-Vaast-la-Hougue, on ne peut plus au nord-est de la Manche, le plus ancien domaine de la
région dont l’origine remonte à la fin du XIX° siècle. Dans les années 1960,
les huîtres sont placées dans des « poches » disposées désormais sur
des tables métalliques à une quarantaine de centimètres du sol. Cette
technique, nouvelle, augmente la longévité des huîtres qui
« travaillent » au rythme des marées et se bonifient. L’huitre de
Saint-Vaast fait le bonheur des gourmets : iodée et charnue, réputée pour
son goût de noisette, merveilleux assemblage des qualités des autres crus.
Un peu plus bas, le domaine de l’huître d’ Isigny-sur-mer et de Grandcamp-Maisy,
bordée par Utah Beach et la baie des Veys, le fruit est charnu, doux et
croquant à la fois et on le réservera pour les fines préparations culinaires.
Enfin , l’huître se plaît aussi dans le Calvados avec la Côte de Nacre. Cette huître est la
petite dernière des crus ostréicoles de Normandie, originaire de l’est
d’Arromanches dont les courants sont si puissants qu’ils favorisent une
croissance et un développement d’un goût exceptionnel. le site ostréicole de
Meuvaines-Asnelles a été créé au début des années 1990.
Gros calibre pour fins connaisseurs - © Gérard Conreur |
Au total, le domaine ostréicole normand couvre aujourd’hui
environ 1100 hectares.
Plaisir gourmand de
l’huitre
Outre un plaisir gustatif unique, sa saveur marine, son
petit air de vacances ou au contraire son aspect festif lors des fêtes de fin
d’année, l’huitre est toujours la bienvenue à table. Elle est riche en minéraux
et en oligo-éléments, en phosphore et en fer. Elle est peu calorique et possède
des vertus anti-oxydantes. La côte
normande est très proche de Paris à tel point qu’il est très facile et très
agréable de s’y rendre l’espace d’un weekend par exemple. Pas très loin des
parcs de Blainville-sur-mer, à une
quarantaine de kilomètres au nord par la départementale 650 se trouve la
station balnéaire de Barneville-Carteret.
On sait que Jacques Tati a tourné Les vacances de M. Hulot à
Saint-Marc-sur-mer en Loire Atlantique mais à mon avis, c’est parce qu’il ne
connaissait pas Barneville-Carteret. Si vous aimez les huîtres fraîches ou
farcies ou les fruits de mer en général,
une adresse à retenir : Le
Cap, un hôtel restaurant qui existe depuis plus d’un siècle, 133 ans
exactement. Il s’appelait alors l’Hôtel Terminus car c’était la dernière escale
avant d’embarquer pour les îles anglo-normandes. Aujourd’hui , sous la houlette
de Richard Ledentu et de Renaud Desfours, cette « escale » au Cap
est devenue incontournable si vous aimez les ambiances cosy et les tables
conviviales où il fait bon s’attarder en observant un paysage de mer et de
dunes.
Damien Eliard & l'Huître au Camembert - © Gérard Conreur |
En cuisine, Damien Eliard, le
jeune chef fait preuve d’une grande inventivité
et nous y retrouvons l’huitre, chaude cette fois, pochée ou gratinée, aux
mille saveurs les plus surprenantes les unes que les autres : l’huître au
Camembert, au foie gras ou au Calvados et bien plus encore.
De délicieux
souvenirs de grand air, de soleil et de table généreuse qui vous feront bientôt
lâcher dans un profond soupir : j’irai revoir ma Normandie…
Gérard Conreur
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