dimanche 23 juin 2013

La Normandie, c’est aussi la mer


Barneville-Carteret © Gérard Conreur
Barneville-Carteret © Gérard Conreur

De la Normandie, on connaît les produits laitiers : le lait, la crème, l’incontournable camembert et tant d’autres fromages. Les vaches donc, mais aussi les chevaux qui barbotent à Deauville et gagnent à Longchamp. Les pommiers, le cidre et le Calvados. Cette bruine fine qui donne une fraîcheur acidulée au bocage normand. Pour l’histoire, la Normandie, c’est aussi les plages du Débarquement, le 6 juin 1944 et l’opération Overlord. « Les sanglots longs des violons de l’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone ». Comment oublier Utah, Omaha, Gold, Juno, Sword ? Sainte-Mère-Eglise, la Pointe du Hoc, Bayeux, Dieppe…. J’y ajoute Saint-Lô et Caen mais aussi Jehanne la bonne Lorraine qu’Englois brûlèrent à Rouen. Bref, il y aurait encore tant et tant à dire sur la Normandie, une région parmi les plus remarquables, les plus attachantes de notre pays mais aussi une région parfois méconnue qu’il reste à découvrir ou redécouvrir. 

Sur les bancs de la communale, on se souvient encore que là-haut dans le Nord qui est, en fait, le Pas-de-Calais, sur la Côte d’Opale, Boulogne-sur-Mer est le premier port de pêche de France. Plus bas, dans l’Ouest, on évoque le pêcheur breton. A terre, entre dolmen et bruyères, entre ardoise et granit, on joue du biniou, on danse en Fest-Noz, on fredonne « Tri martolod yaouank... la la la... Tri martolod yaouank i vonet da veajiñ » avec Nolwenn Leroy. On y fait des crêpes et des galettes gourmandes tout comme on déguste sans en perdre une miette un Welsh fondant et brûlant au Bar Hamiot à Boulogne sur le port, face à la criée. Ce qui accompagne le mieux le Wesh, c’est une Jeanlain traditionnelle bien fraîche mais on peut aussi opter pour une blonde éclatante. Et puis, sans doute avec les courants marins, on pourrait remonter comme ça jusqu’à Ostende avec Léo Ferré ou Amsterdam de Brel mais toute cette poésie qui tourne autour des ports, des marins et de l’écume de mer nous éloigne d’une curieuse démonstration.  A croire en effet qu’a priori, entre la Bretagne et le détroit du Pas-de-Calais voire la Baie de Somme, il n’y aurait rien. Exceptées quelques camemberts coulant des jours heureux sous des pommiers en fleurs, quelques vaches à quatre pattes cherchant des trèfles à quatre feuilles,  les plages du Débarquement déjà mentionnées ou le Grand hôtel de Cabourg, pour tous ceux qui partent à la recherche du temps perdu et d’un certain Marcel Proust qui ne chauffait pas mais adorait tremper ses madeleines.  

Sur la Côte Ouest, Parcs de Blainville - © Gérard Conreur
Sur la Côte Ouest, Parcs de Blainville - © Gérard Conreur
 C’est un peu le sentiment général qu’éprouvent les normands et que ne dit-on pas de la merveille des merveilles, le Mont-Saint-Michel que l’on place en Bretagne ou que l’on récupère en Normandie et vice versa. Alors comme la Normandie n’est pas une contrée lointaine, ni même un DOM-TOM, le mieux était de se faire une idée sur place et de constater sans hésiter qu’entre Saint-Malo et Saint-Valery sur Somme, qu’entre les départements 35 et le 80, il y a la Manche, le Calvados, l’Orne, la Seine Maritime et l’Eure.  

Aujourd’hui, c’est la Manche qui aura notre préférence pour cette Normandie, côté mer et grand large.  Le saviez-vous, la Normandie est le premier producteur de France de coquillages et parmi ces trésors de la mer, il y a une perle : l’huitre de Normandie, bien sûr car pour faire bonne figure dans ces quelques chiffres, 27 000 tonnes produites en 2009, la Normandie est aussi la première région ostréicole de France, il est bon de le dire et mieux encore de s’en souvenir. 

Quatre grands crus majeurs

En matière d’huitres, on trouve en Normandie quatre grands crus d’exception. En demi -cercle autour de la Manche et du Calvados, de l’ouest à l’est, en premier lieu le domaine des huîtres de la Côte Ouest, puis de Saint-Vaast-La-Hougue, ensuite d’Isigny-sur-mer et enfin le domaine  de la Côte de Nacre mais il en est des huîtres comme de tous les autres produits de grande qualité. Prenons les grands vins par exemple, ceux de Bordeaux ou de Bourgogne, les vins de Champagne ou d’Alsace et tous les autres, les noms les plus prestigieux, les domaines les plus rares sont composés de parcelles, souvent de modestes superficies, tel un puzzle complexe dont chaque pièce, par la composition de sa terre, son acidité, sa pente, son ensoleillement, apporte sa touche la plus personnelle en s’insérant parfaitement dans un ensemble précis et cohérent.  

Les travailleurs de la mer - © Gérard Conreur
Les travailleurs de la mer - © Gérard Conreur
Il en va de même dans le domaine ostréicole des huîtres de Normandie. D’une extrémité à l’autre de la Côte Ouest ou du périmètre d’Isigny-sur-mer, par exemple, le connaisseur notera des différences, des singularités, des saveurs qui se développent, d’autres qui s’atténuent. Ajoutons à cela, la griffe humaine, les compétences, la passion de ces travailleurs de la mer. Car faire une huître, depuis le naissain jusqu’au conditionnement final en bourriche, est un travail incessant d’une grande rigueur et il faut les manipuler à la main, une par une, ces fameuses « poches » métalliques de vingt kilos et plus.  Les jeunes huîtres vont croître dix-huit mois en pleine mer. Ce brassage vigoureux va leur fournir tout le plancton indispensable à leur croissance. Viendra ensuite, une remontée vers la partie haute de l’estran (L’estran est la partie du littoral située entre les niveaux connus des plus hautes et des plus basses mers.) ainsi à chaque marée, les huîtres s’ouvrent et se ferment, ce qui favorise leur musculation et leur oxygénation.

Le travail est donc rude et peut être réduit à néant car la nature est ici la seule ou presque à pouvoir dire son dernier mot. Et les ostréiculteurs les plus âgés se souviennent des années difficiles.
Sur la façade océanique de la Manche, battue par de puissants courants de marée et les embruns du large, de Portbail à Granville, un grand cru d’exception, il s’agit de  l’huitre de la Côte Ouest à la saveur parfumée et corsée. C’est l’huitre de Pleine-mer. N’oublions que les marées de Normandie sont les plus fortes d’Europe en amplitude.(Jusqu’à 14 mètres d’amplitude et 6 kilomètres d’estran).
Louis Teyssier - © Gérard Conreur
Les images de ce reportage ont été faites à Blainville-sur-mer lors de la visite des installations et des parcs en compagnie de Louis Teyssier de la GAEC Thalassa Distribution accompagné de Christophe Charbonnier, deux grands passionnés de la mer, intarissables sur le métier.
Remontons à présent vers Saint-Vaast-la-Hougue, on ne peut plus au nord-est  de la Manche, le plus ancien domaine de la région dont l’origine remonte à la fin du XIX° siècle. Dans les années 1960, les huîtres sont placées dans des « poches » disposées désormais sur des tables métalliques à une quarantaine de centimètres du sol. Cette technique, nouvelle, augmente la longévité des huîtres qui « travaillent » au rythme des marées et se bonifient. L’huitre de Saint-Vaast fait le bonheur des gourmets : iodée et charnue, réputée pour son goût de noisette, merveilleux assemblage des qualités des autres crus. 

Un peu plus bas, le domaine de l’huître d’ Isigny-sur-mer et de Grandcamp-Maisy, bordée par Utah Beach et la baie des Veys, le fruit est charnu, doux et croquant à la fois et on le réservera pour les fines préparations culinaires. 

Enfin , l’huître se plaît aussi dans le Calvados avec la Côte de Nacre. Cette huître est la petite dernière des crus ostréicoles de Normandie, originaire de l’est d’Arromanches dont les courants sont si puissants qu’ils favorisent une croissance et un développement d’un goût exceptionnel. le site ostréicole de Meuvaines-Asnelles  a été créé au début des années 1990.

Gros calibre pour fins connaisseurs - © Gérard Conreur
Gros calibre pour fins connaisseurs - © Gérard Conreur

Au total, le domaine ostréicole normand couvre aujourd’hui environ 1100 hectares.

Plaisir gourmand de l’huitre 

Outre un plaisir gustatif unique, sa saveur marine, son petit air de vacances ou au contraire son aspect festif lors des fêtes de fin d’année, l’huitre est toujours la bienvenue à table. Elle est riche en minéraux et en oligo-éléments, en phosphore et en fer. Elle est peu calorique et possède des vertus anti-oxydantes.  La côte normande est très proche de Paris à tel point qu’il est très facile et très agréable de s’y rendre l’espace d’un weekend par exemple. Pas très loin des parcs de Blainville-sur-mer, à une quarantaine de kilomètres au nord par la départementale 650 se trouve la station balnéaire de Barneville-Carteret. On sait que Jacques Tati a tourné Les vacances de M. Hulot à Saint-Marc-sur-mer en Loire Atlantique mais à mon avis, c’est parce qu’il ne connaissait pas Barneville-Carteret. Si vous aimez les huîtres fraîches ou farcies ou les fruits de mer en général,  une adresse à retenir : Le Cap, un hôtel restaurant qui existe depuis plus d’un siècle, 133 ans exactement. Il s’appelait alors l’Hôtel Terminus car c’était la dernière escale avant d’embarquer pour les îles anglo-normandes. Aujourd’hui , sous la houlette de Richard Ledentu et de Renaud Desfours, cette « escale »  au Cap est devenue incontournable si vous aimez les ambiances cosy et les tables conviviales où il fait bon s’attarder en observant un paysage de mer et de dunes.

Damien Eliard & l'Huître au Camembert - © Gérard Conreur

En cuisine, Damien Eliard, le jeune chef fait preuve d’une grande inventivité  et nous y retrouvons l’huitre, chaude cette fois, pochée ou gratinée, aux mille saveurs les plus surprenantes les unes que les autres : l’huître au Camembert, au foie gras ou au Calvados et bien plus encore. 

De délicieux souvenirs de grand air, de soleil et de table généreuse qui vous feront bientôt lâcher dans un profond soupir : j’irai revoir ma Normandie…

Gérard Conreur


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